Tender Cage [PV Lucifer] [Terminé]

L’aurore ne tarderait plus à se lever à présent. Les créatures de la nuit, ses enfants, rentreraient bientôt au bercail. Vampires, éblouis par les prémices des rayons néfastes, fuiraient la terre pour se fondre dans les abîmes infernaux. Deux heures. Il restait deux tours d’horloge avant que les pâles visages ne disparaisse totalement de la surface. Avant cela, il avait encore quelque chose à faire. Un homme aux cheveux blonds et aux yeux verts, le visage fait de porcelaine et les dents brillantes, s’assit près de lui.

L’aube se lèverait sur une ville meurtrie ce matin là, une ville saignée à blanc par une de ses principales artères. Le quartier était calme, il y avait une grande rue, large, à double sens. Des pavillons étaient alignés de chaque côté, paisibles, endormis. Sa cape se souleva sous une bourrasque violente, claqua comme un fouet, pour redescendre lentement en caressant sa jambe. La lune à son dernier croissant jetait sur ses joues une lueur blafarde. Quelques nuages cotonneux naviguaient encore près d’elle, gris des dernières gouttes de pluie rebelles. Une voix s’éleva grave, sourde, basse. Le vent n’eut aucun mal à la couvrir à l’oreille humaine. La langue qu’elle utilisait fit frémir toute la rue., les arbres bruirent, deux chats s’enfuirent à toute jambe, les humains entreprirent des cauchemars au fond de leurs couvertures.

L’homme blond acquiesça et disparut avec une soudaineté spectrale. Il se retrouva seul. Sa cape balayait l’asphalte. Le bruit de ses bottes semblait résonner dans toute la ville. Le vent se le va à nouveau, soulevant sa longue chevelure d’ébène. Ses yeux fermés semblaient ouvrir le monde en deux sur son passage. La présence d’un seigneur des enfers ne laissait jamais la terre indifférente, mais lorsqu’elle portait sa colère, comme à présent, elle frémissait toujours comme une amante.

Les lumières s'asphyxièrent dans un grésillement désagréable et toute la rue fut plongée dans le noir. Des ombres rapides parcoururent l’avenue sans que l’air ne se froisse. Aucun cri, aucun soupire, aucune voix ne s’éleva, mais tout le quartier s’était éteint avec la même rapidité que les lampadaires. Quelques fenêtres se virent tachés d’une liqueur d’un rouge soutenu. Un enfant se mit à pleurer quelque part. Un homme brun arriva à son seigneur avec un poupon de quelques mois dans les bras.

«  Le voilà mon seigneur, cette fois était la bonne »

«  Quel dommage pour cette pauvre Izramaël , pauvre d’elle et pauvre enfant qui, de son demi statut angélique, va perdre la vie pour me permettre d’assouvir ma vengeance sur sa chère mère. » Il rit. D’un rire dur, dépourvu du moindre humour. «  Comment s’appelle t’il ? »

Il gardait contre lui l’enfant et le berça avec un sourire cruel. Qu’il appelle, sa mère, son père, ni séraphin, ni humains ne lui résisterait.

«  Gaëllel »

Quelqu’un bougea enfin, une porte s’ouvrit sur une femme aussi blonde que les blés, en tenue de nuit. Elle sortit pieds nus dans la rue et vint à lui.

«  Prend tout ce que tu veux, Belzébuth ! mais laisse mon enfant par pitié… »

«  Il est mignon » dit-il d’un ton neutre en regardant l’enfant lui tirer les cheveux. «  Et si fragile, quel dommage que les bâtards de son espèce ne soient pas protégés par le pacte… »

«  Tue moi…. Tue moi et laisse Gaëllel à son père !! je t’en supplie… »

Un bruit sourd se fit entendre dans la maison, Belzébuth afficha un sourire carnassier.

«  Un père ? quel père ? »

L’ange poussa un cri de désespoir, elle s’effondra à genoux, en pleur. Il sentait son désespoir, pour l’avoir vécut. Lui infliger le même était tellement jouissif. Elle avait torturé l’âme d’Altaïr et s’était enfuit devant lui durant des siècles. Elle s’était finalement crut protégée par le pacte et avait fondé une famille sur un terrain neutre, la terre. C’était sans compté combien son fils et son mari étaient vulnérables. Le seigneur de la gourmandise avait calmé l’enfant. Désormais celui ci riait et gazouillait joyeusement dans ses bras. Il lui sourit gentiment.

«  Le seigneur de ta maman n’a pas pensé à toi, désolé petit ange. Il ne pense jamais aux exceptions. »

Il avait sorti Cam Carath, Azramaël tenta de se jeter sur lui, toutes ailes dehors. Les ombres revinrent, la clouèrent au sol. Il y avait une quinzaine de vampires massifs dans les environs, prêts à intervenir. Il entaillas l’épaule du bébé, qui se remit à pleurer bruyamment. La blessure se mit à fumer, l’air empestait la chaire brûlée et Belzébuth rendit l’enfant à sa mère. Il était condamné.

«  Bonne nuit, Mon Ange. »

Il claqua des doigts, les vampires disparurent et lui même, souriant, quitta les lieux avec des airs supérieurs. Il gagna le centre ville, bondé à cet heure. Demain, à l’aube, dans les journaux, on ne parlerait que de ça. Ce massacre qu’il venait d’organiser ne serait jamais résolu. Les policiers inventeraient une histoire de secte ou de serial killer. Se serait drôle à suivre. Dans le quartier il n’y aurait qu’une survivante, avec un bébé empoisonné à l’acide dans les bras. Il s’arrêta, il n’était plus seul.

Bon ça c'était fait. Une basse besogne de moins... Il faudrait néanmoins vérifier que cette pauvre créature aie suffisamment de chagrin pour se suicider toute seule comme une grande. On avait pas le droit de les tuer, ces chers anges, mais on pouvait les torturer moralement jusqu'à ce qu'ils fassent le boulot à notre place, après tout. Ce n'était pas interdit. Il ferait faire ça par un de ses gens. L'homme blond revint vers lui. Il se tenait étrangement, il avait les jambes légèrement pliées sous lui, comme s'il était près à bondir. Ses bras étaient écartés de son corps dans une attitude chasseresse. Ses yeux étaient mi-clos comme s'il cherchait quelque chose dans l'ombre. Il était toujours ainsi... Surtout après l'excitation que lui provoquait les missions confiées par son seigneur. Il était un peu … comme ces chiens enragés qui respirent à grande lapées d'air nauséabond de sang et d'haleine après avoir tué. Le cerbère du cinquième … en moins impressionnant de par sa taille.

Belzébuth soupira. Le jeune homme aurait put paraître séduisant s'il n'avait pas son déséquilibre mental peint sur le visage. Enfin bref. Ce n'était pas finit pour ce soir, même s'il n'avait rien à faire qu'il ne puisse repousser. La nuit était claire et douce. Levant les yeux au ciel il distingua la constellation de la vierge à laquelle il adressa un baiser avec un sourire malsain. A elle ou au ciel qui devait surement guetter le devenir de leur protégée. Quel dommage, le ciel était un peu comme les urgences dans les hôpitaux humains, ils classent les affaires a traiter par ordre d'importance à vue de nez. Et une pauvre ange entichée d'un humain qui venait de mourir …. Bof elle n'était pas blessée. Et puis avec le pacte... ça ne devait pas être bien grave.

Il eut envie d'éclater de rire... Jusqu'à ce qu'il sente SA présence... Sérieux il pouvait pas … aller sur un autre continent? L'envie de jurer dans la langue des anges -juste dans l'espoir que Mickaël passe par là et l'entende insulter son seigneur tout puissant- que la p**** de providence de m**** ce c****** de Dieu il pouvait se la f***** au c**. Bref, après cet interlude poétique digne des plus grand esthètes, Il échappa un soupire. La soirée avait pourtant plutôt bien commencé... Bon il fallait être positif... Peut être ne s'intéresserait-il pas à sa prés.... et ben si … Il sa voix la plus neutre et la plus distante.

«  Tiens, tiens... Lucifer! »

Son seigneur. Belzébuth regarda autour de lui comme s'il cherchait quelqu'un. Il ne voyait pourtant personne s'appelant Seigneur... Il se retourna à nouveau vers Lucifer en haussant les épaules. Ben, il n'y avait aucun seigneur à saluer !

Il disparut et reparut devant moi en une fraction de seconde. Sa main caressa presque mon cou pour le faire saigner. Je restai stoïque en lançant un regard à mes vampires qui ne savaient trop quoi faire. Ils ne pouvaient pas attaquer Lucifer bien sur, mais ils ne supportaient pas de voir quelqu'un se permettre de telles choses avec leur maître. Ils croisèrent les yeux de ce dernier et se tassèrent dans l'obscurité sans disparaître. Sa langue rejoignit sa peau, son sang. Il réprima fermement un frisson qui menaçait de le prendre tout entier. Il n'allait pas se faire manipuler comme la dernière fois, ça non.

Le regard que jeta Lucifer à ses hommes lui donna une envie de poing dans la figure mais il se retint, se contentant de serrer les poings et de garder un visage impassible. SA voix s'insinuait en lui comme leur serpent de maître et me murmuraient d'obéir, d'aller dans son sens... de céder. Il eut un sourire narquois. Pas de ça avec lui. Il n'était pas un de ces lèche cul de Satans, ces petites voix nasillardes qui tentaient de lui embrumer l'esprit, il avait appris à s'en méfier et à les isoler dans la mesure du possible. C'était comme à la messe, fallait écouter ce que disait le curé mais fallait pas entrer dans son délire. Lui? Le divertir? Il tenta de s'empêcher de rire mais un rictus amusé et quelque peu méprisant lui échappa.

«  C'est très gentil de ta part de vouloir faire mumuse avec moi, Lulu, je t'assure, ça me fait très plaisir. Mais là tout de suite j'ai du travaille. » Il l'écarta de lui du bout des doigts, comme pour éviter de toucher quelque chose chaud. « Alors tu permets, mais je jouerai à la nounou une autre fois. Bonne soirée à toi. »

Sur ce il entama sa route et ses gens disparaissent vers leur prochaine destination. Il aurait pu disparaître, se téléporter loin de là tout de suite... Il ne savait d'ailleurs pas pourquoi il ne le fit pas immédiatement.

Bientôt je me retrouvai enserré dans les anneaux visqueux du Serpent. Je savais que rien ne m’en libèrerai si je n’engageais pas un combat sérieux et je ne pouvais pas attraper ma fidèle Carath, rangée dans ma botte. Tant pis, il allait falloir jouer au même jeu, incessamment. Bon pour commencer… argh mais qu’est-ce que c’était que ça… Laisse mes oreilles tranquille…Oui je suis sensible à ce niveau-là et alors ? Vous n’avez pas de zones érogènes ?... Bon il faut impérativement que je pense à quelque chose qui me fasse oublier toute tentation physique…. Pense à un pamplemousse… c’est moche, c’est dégueulasse, acide, même avec une bonne dose de sucre… J’esquissais une grimace dégoutée du plus bel effet et la tension de mon corps s’estompa efficacement. Oui, rien n’était plus affreux qu’un pamplemousse… D’ailleurs il faudrait que je m’arrange pour tous les faire disparaitre de la surface de la terre, en tant que Seigneur de la gourmandise, je ne pouvais pas laisser une telle chose exister plus longtemps…

Je me tournai vers Lucifer, qui me dérangea dans mes pensées avec ses murmures dans le creux du cou. J’étais tellement remonté contre les pamplemousses que je l’avais oublié. Qu’est-ce qu’il pouvait causer n’empêche… Et puis pour ne rien dire en plus, parce que pour le moment, ce serait plutôt lui qui chercherait quelque chose.

- « Je suis persuadé que l’appel de mon corps a des choses très intéressantes à me dire » dis-je dans un bâillement destiné à être tout à fait insolent. « Mais pour le moment je trouve que tu me touches un peu trop et j’ai encore deux anges à visiter avant le lever du soleil. Repose-moi par terre. »

Son souffle caressait ma peau et me glaçait agréablement les sens. Il me ferait céder, qu’il disait… A ce moment j’avais envie de tendre le cou pour qu’il continue mais... Non mais il a vu ça où lui ? Je ne cède à rien du tout et d’ailleurs… Rah pense à ton pamplemousse, Belz’… Argh et cette pulpe… on dirait des petites crottes de souries oranges empilées dans des toiles d’araignées Et sa langue sur mon cou… Argh non ! Et cette peau grumelée… on dirait de la cellulite avancée…

Soudain je ne comprenais plus rien, il me semblait que deux poignards venaient de transpercer ma chair. Leur contact me brulait, je lâchai un cri rauque qui tendit d’autant plus mes muscles et intensifia la douleur. Je m’écroulai ensuite à terre, j’entendais à peine ce que Lucifer me disait. Du venin… il m’avait mordu… pas d’antidote… différents effets… a quoi m’avait-il condamné ? Certainement pas à la mort, il avait besoin de moi aux enfers, je le savais, et puis cela aurait été trop facile.

Mais le poison faisait rapidement son effet et bientôt je vis défiler des flashs, de plus en plus clairs. Des souvenirs… Le visage d’Altaïr entre autre me revint à l’esprit. Il fallait que je m’en aille. Je me concentrai, j’ignorai la douleur juste le temps de me téléporter jusqu’à mon niveau… Je n’y arrivais pas. J’utilisai mon aura pour attirer les vampires qui trainaient encore dans les parages. Deux d’entre eux me rejoignirent. Je murmurai le nom de Lucifer et ils me soulevèrent pour me ramener chez nous, au cinquième. Je passai le pas de la porte de mon manoir en chancelant. J’avais des sueurs froide, tout mon corps me tiraillait, je n’y voyais plus clair. Je me laissai glisser contre un mur, sur le carrelage.

J’entendis un cri, mais celui-là ne venait pas de ma tête. C’est Nausicaa qui venait de me trouver. Peu importait la douleur que je ressentirais… Il ne me ferait pas venir à lui. Jamais… La route est encore longue pour qu’il se permette de me demander de venir à lui.